7 Octobre: Fête du Rosaire

L’introït Gaudeamus interprété par la Schola Bellarmina

Table des matières

En France la fête est solemnisée le dimanche 1 octobre 2023

Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.

Le 7 Octobre 1571, les armées chrétiennes remportèrent, contre la flotte turque, à Lépante, une victoire décisive. Elle fut attribuée à l’intercession de Notre-Dame que le Pape avait invoquée, rosaire en main. Deux ans plus tard, Grégoire XIII institua, le premier Dimanche d’Octobre, une fête d’action de grâce qui  devait être célébrée dans les églises dotées d’un autel de la Bienheureuse Vierge du Rosaire. Cette fête devient vite très populaire. Léon XIII s’éleva au rite double de IIe classe pour l’Eglise universelle. Pie X la fixa à la date même de la victoire de Lépante.

L’office est, en fait, la commémoration des quinze mystères où sont résumées les joies, les douleurs et les gloires de Notre-Dame. C’est ainsi que les antiennes des Ires  Vêpres, des Laudes et des IIes Vêpres se les partagent. A la messe, il n’y est pas fait d’allusion séparée. C’est la gloire dont Notre-Dame jouit à jamais qui est célébrée. Ils s’y trouvent d’ailleurs tous ramenés comme à leur fin.

INTROÏT

Gaudeámus de Sainte Anne.

GRADUEL

LE TEXTE

A cause de ta vérité, de ta douceur, de ta justice…
Et elle te conduira merveilleusement, ta main.

Verset.Ecoute, ma fille, et vois, et prête l’oreille car il a désiré, le Roi, ta beauté. Ps. XLIV. 5 , 11, 12.

La première phrase, n’ayant pas de verbe, n’a, par elle-même, aucun sens précis, mais celui qu’elle reçoit du contexte liturgique est clair. Empruntant les paroles de la Sagesse, si bien faites pour elle, Notre-Dame vient de chanter à l’Epître le poème splendide de sa destinée enfin établie. « J’ai cherché partout le repos et voilà que dans l’héritage du Seigneur je vais demeurer… Il m’a dit, celui qui m’a créée et qui a reposé dans mon sein : Prends ton  héritage au milieu des élus…étends tes racines…Comme un Cèdre je me suis élevée…comme un cyprès…comme un palmier, comme les rosiers de Jéricho. Comme le cinnamome et le baume j’ai exhalé mes parfums… » La suivant des yeux dans cette montée de sphère céleste en sphère céleste, l’Eglise émerveillée laisse alors aller vers elle, comme en une exclamation de joie, les mots qui dans le psaume chantent la beauté du Roi…  « Tout cela à cause de ta fidélité, de ta bonté, de ta sainteté…Elle te conduit merveilleusement ta main… »

LA MÉLODIE

(V)    Própter veritátem et mansuetúdinem et justítiam
         Et dedúcet te mirabíliter déxtera túa.

Un chant de contemplation paisible qui s’exalte en admiration vers déxtera túa où il s’épanouit juste avant de s’achever.
Le première incise est très recueillie : un récitatif presque immobile sur le fa avec quelques broderies à la tierce et des notes allongées qui lui donnent un rythme solennelle et le font grave, humble, profond. Parole intérieure qui n’est que pour l’âme, et pour Notre-Dame qui entend désormais le silence de la pensée.
Sur Justítiam, le mot qui dit la sainteté, la mélodie s’élève, prend de l’ampleur, s’anime même quelque peu, mais sans que la sérénité en soit troublée ; la quinte n’est pas atteinte et le si b retient l’élan. Ce n’est qu’un exaltation d’amour dans la contemplation.
Cette exaltation se poursuit et s’accentue tout au long de la seconde phrase, à mesure que sont évoquées les merveilles de l’éternité. La mélodie s’est dégagée, elle a retrouvé, avec plus d’élan, la simplicité du début. Elle se meut autour de la dominante en des ondulations légères et gracieuses qui la conduisent vers déxtera túa où elle s’épanouit en une formule splendide d’admiration enthousiaste, de vénération et de tendresse.

Le Verset.Audí fília et víde et inclina áurem túam quía concupívit rex spéciem túam.

Joie nouvelle. Dans le jeu liturgique, cette mélodie reviendrait bien, plutôt qu’à l’Eglise entière, à ceux du ciel seulement : aux Divines Personnes, au Christ, aux Anges, aux élus, chantant à Notre-Dame, à mesure qu’elle monte, l’invitation à la Béatitude.

La joie dont elle déborde se pénètre sur Fília de vénération tendre pour la Fille par excellence du Père. Des ondulations vont et viennent de la dominante à la tonique en des balancements qui s’éclairent, au sommet, de broderies légères élargies en accents de ferveur par les épisèmes. Le mouvement se pose un instant sur la tristropha de la tonique mais c’est pour un élan nouveau. Il s’anime en effet, va toucher le mi et enveloppe et víde d’une ardeur qui, par delà inclína, retrouve sur áurem túam, pour s’épanouir, la formule des grandes exaltations : celle du Père saluant son Fils dans le Graduel de la Messe de Minuit , celle qui chante le nom glorieux du Christ dans le Chrístus fáctus est, celle de l’Hæc díes. Sommet éclatant de cette phrase splendide qui depuis les premières notes monte en un crescendo de ferveur ininterrompu.

La grâce paisible du début revient pour finir. Des intervalles harmonieux ramènent la mélodie à la tonique et elle est, à nouveau, toute contemplative ; entourant de vénération l’amour du Roi et le mystère d’éternelle prédilection pour l’épouse qui vient à lui dans la splendeur de sa virginale beauté.

La première phrase demande un mouvement large, paisible, des voix douces, quelque peu éteintes. On donnera un peu plus de vie, une pression un peu plus forte à justítiam et on en rythmera bien la cadence. Dans le même mouvement, un peu plus animé, on ira en léger crescendo vers déxtera túa. Les premières notes de déxtera, trois virgas épisématiques, seront bien posées, appuyées avec expression et lancées à la fois dans l’élan de l’accent tonique. On s’élèvera alors balancé, soulevé, jusqu’au torculus du sommet qui sera très arrondi et on se laissera descendre doucement sur le beau rythme large et souple du pressus, de la tristropha et du torculus final.

Le verset sera plus léger, vif, joyeux, mais très régulier. Quelques voix douces et claires et ce sera assez. Elles toucheront à peine les ictus et balanceront, sans se presser, en s’y complaisant même, les rythmes admirables de fília. La clivis et la tristropha sur fa seront très douces et très souples ; on notera que l’ictus est sur la note qui précède ma clivis. La cadence de fília sera quelque peu élargie, mais on veillera à ce que le mouvement et la progression du crescendo passent sur et víde qui sera très chanté ; c’est un très beau motif et qui exprime ici tant de choses indicibles !

La chaleur dont aura pénétré cette fin de phrase passera, renforcée par l’élan de l’intonation, sur inclína, qui sera brillant et gracieux à la fois, et elle ira donner à la cadence de áurem túam l’accent de triomphe enthousiaste qui convient.

Retenez quelque peu le mouvement sur toute la dernière phrase. Liez avec grand soin les intervalles et complaisez-vous sur les neumes qui s’étirent, larges et doux.

ALLELÚIA

LE TEXTE

C’est la solennité de la glorieuse Vierge Marie, de la race d’Abraham, issue de la tribu de Juda, de la noble lignée de David.
Les mêmes mots – à part solémnitas qui remplace ici natívitas – forment la première antienne des vêpres de la Nativité de Notre-Dame le 8 Septembre. Il faut l’entendre comme une sorte de prélude à l’Evangile qui va commémorer, dans le récit de l’Annonciation, la gloire la plus haute de Notre-Dame : sa maternité Divine.

LA MÉLODIE

Celle de la fête du Saint-Sacrement, de la Transfiguration, de Saint Laurent. Elle est joyeuse, mais, nous l’avons vu dans l’Allelúia Cáro méa, ses très belles formules qui planent très haut dans l’atmosphère recueillie du Ier mode, se prêtent aussi fort bien à la contemplation. C’est encore le cas ici. Elles ont été amenées, très heureusement, sur les titres glorieux de Notre-Dame et, sur ces neumes, qui offrent à la voix des modulations très agréables et très expressives, l’âme peut chanter, à loisir, la Vierge et la gloire qui l’enveloppe, montant de tous les mystères de sa race, de sa vie, et de son éternité.
Pour les conseils d’exécution : Allelúia de la fête du Saint-Sacrement.

OFFERTOIRE

LE TEXTE

En moi la grâce de toute voie et de toute vérité.
En moi tout l’espoir de la vie et de la force.
Comme le rosier, planté sur le bord des eaux, j’ai porté mon fruit. Eccli. XXIV 25 – XXXIV 17.

Notre-Dame s’applique à elle-même ces paroles de la Sagesse. Elle en a bien le droit et, après l’Evangile qui vient d’être chanté, elle le fait vraiment à propos. Pleine de grâce, elle a été, par prédestination, associée au Verbe, Sagesse du Père. C’est d’elle qu’il prend chair, en elle qu’il vit d’abord. Avec lui, elle a sauvé le monde et, avec lui, elle répand sur les hommes la grâce rédemptrice. Plantée sur le bord des eaux vives qui sortent de Dieu, elle a vraiment donné son fruit : le Christ Jésus ; et elle continue à lui donner sa taille définitive, en contribuant à lui incorporer ses membres, les uns après les autres. C’est ce fruit qu’elle nous invite à goûter, et dans lequel nous trouverons la voie, la vérité et la vie.

LA MÉLODIE

C’est celle de l’offertoire Diffúsa est de la messe Me expectavérunt  du commun des Saintes Femmes, et aussi de la Purification de Notre-Dame , l’incise finale exceptée, qui, elle, est empruntée à la fin de l’Offertoire Bónum est du Dimanche de la Septuagésime.
L’adaptation est excellente car, ici et là, c’est le même chant d’amour extasié. En effet, ce que Notre-Dame chante ici dans les deux premières phrases, ce n’est pas tant elle-même, que la  sagesse éternelle ; après l’Evangile on peut préciser encore plus : c’est le Christ, son fils, qu’elle porte en elle : In me. Elle le contemple, ravie, après le  départ de l’ange, et c’est la joie de sa contemplation qu’elle livre dans cette mélodie presque immobile sur la dominante, fixe comme la pensée sur l’objet qui la fascine, planant au-dessus de la matière, du temps, du mouvement ; mais si vivante ! En effet sous cette immobilité d’extase, vibre une ardeur qu’on sent partout latente ; elle monte sur grátia après avoir mis  sur le pressus  de me un accent d’indicible bonheur, elle anime, comme d’un souffle délicat, les ondulations si fines des tristrophas et des distrophas répercutées de la seconde phrase et c’est encore elle qui fait l’envol gracieux de virtútis.
La troisième phrase demeure dans la même atmosphère. Aussi bien la contemplation est la même ; Notre-Dame en se chante ici que dans le fruit béni qu’elle a produit. Elle laisse sa paix heureuse s’épanouir sur rosa, le mot du jour, en un motif splendide et la berce, pour finir, sur les beaux rythmes de fructificávi après avoir évoqué  avec tendresse sur rívos aquárum la miséricorde infinie du Seigneur qui l’a plantée en une terre si féconde.
Il n’y a rien à ajouter à ce qui a été conseillé pour l’Offertoire du 2 Février. La troisième phrase, qui est propre à l’Offertoire d’aujourd’hui, est tellement dans le style des autres que les mêmes conseils valent pour elle. On veillera seulement à envelopper fructificávi dans un legato serré, donnant une certaine durée aux la de la syllabe ca, tout en les soulevant bien.

COMMUNION

LE TEXTE

Fleurissez, fleurs, comme le lis, et exhalez des parfums, et poussez des tiges gracieuses. Chantez un cantique et bénissez le Seigneur. Eccli. XXXIX, 19.

Cette invitation de la Sagesse à développer notre activité surnaturelle pour produire le fruit que Dieu attend de nous prend un sens précis dans le cadre liturgique. La fleur qu’il faut fleurir c’est le rosaire. De ces guirlandes d’Ave, qui s’enroulent en frondaisons, monte le parfum d’amour que le Seigneur accepte ; et le cantique, c’est le Glória qui bénit le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

LA MÉLODIE

L’original est la Communion Confundántur supérbi de la messe Loquébar du commun d’une vierge martyre. L’intonation avec ses rythmes binaires qui s’épanouissent sur la belle cadence de flóres est gracieuse ; de même la retombée sur odórem. Sur et frondéte, commence un crescendo qui monte discret d’abord puis, après la grande barre, ardent sur collaudáte. C’est l’invitation à la louange. Elle est pressante sur la double note et le pressus. Elle se détend ensuite avec beaucoup de grâce sur cánticum. La détente prend toute l’incise suivante, donnant à la mélodie dans le grave une très belle nuance de recueillement.

Balancez les rythmes de l’intonation. Après le retard discret de flóres, repartez a tempo, dans un mouvement léger. Retenez quelque peu odórem. Crescendo discret sur grátiam et, par delà la grande barre, sur collaudáte ; la double note est une bivirga épisématique. Rattachez benedícite à cánticum. La cadence finale, très balancée et élargie.

Cantiques et polyphonies en l’honneur de la Vierge Marie