Premier Dimanche de Carême

La répétition de l’introït Invocábit me du premier dimanche de Carême

Table des matières

A noter: il n’y pas de Gloria. L’Alleluia est remplacé par le Trait.

Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.

LEÇONS DES MATINES : (II Cor. VI). Voici le temps du salut, profiter de la grâce de l’épreuve.

ÉPÎTRE : id.

ÉVANGILE : Episode de la tentation de Notre Seigneur (Math. IV, 1-11).

STATION : Saint Jean de Latran.

IDÉE CENTRALE : Le Carême est un temps d’épreuve. Dans les épreuves, une grâce est mise par Dieu. Pour en profiter, il faut vaincre l’épreuve ou la porter comme le Christ, et sans avoir peur, car Dieu nous grade et nous aide par ses anges. Après quoi viendra le salut, dans la joie de Pâques, gage de l’éternelle joie.

INTROÏT

LE TEXTE

Il m’invoquera, et moi, je l’exaucerai.Je l’arracherai (de l’épreuve) et je le glorifierai.
D’une longue suite de jours, je le comblerai.

Ps.Celui qui est à demeure sous l’assistance du Très-Haut,
        Sous la protection du Dieu du Ciel reposera. Ps. XC, 15-16, 1.

Ces deux versets sont comme l’ouverture du drame de la tentation de Notre Seigneur, qui est aujourd’hui l’objet de tous les chants. Le Père entre en scène et annonce ce qui va se passer. C’est donc au Christ qu’ils s’appliquent en tout premier lieu. Mais, comme le drame continue et qu’il s’étend à tous les membres du Christ, c’est le processus de l’aide divine dans la lutte qui se livre, à un moment ou à un autre en chacun de nous, que le Père décrit et qu’il enveloppe de sa parole forte et pleine de réconfort.

Ranimée par cette promesse du secours divin qui la fera sans faiblir traverser l’épreuve et atteindre le bienheureux repos, l’Eglise chante alors dans le Psaume sa confiance inébranlable.

LA MÉLODIE

C’est le Père qui parle. Sa voix dès le premier mot est empreinte de paix, de douceur, d’aimable bienveillance. Elle se nuance d’autorité et de ferme assurance sur et égo exáudiam et sur érípiam ; s’exalte sur glorificábo en un mouvement plein d’éclat qui évoque la splendeur de la gloire promise ; s’étale sur longitúdine comme pour symboliser la durée des jours heureux qui seront l’issue de la lutte et s’achève sur adimplébo dans la même docueur paisible et forte.

On ne ralentira que très peu les fins de phrase et on les fera bien semblables, car elles riment, et dans le texte et dans la mélodie, mettant d’ailleurs ainsi en un très frappant relief le Christ et ses membres, que le pronom éum représente.

Pas de dureté sur la tristropha de exáudiam ni sur erípiam, qui sera toutefois bien appuyé. Les deux derniers neumes de glorificábo légèrement retenus.

GRADUEL

LE TEXTE

A ses Anges, il t’a recommandé, afin qu’ils te gardent sur tous les chemins.

Verset.Dans leurs mains ils te porteront, pour que jamais tu ne blesses à la pierre ton pied. Ps. XC, 10-11.

Si l’on se borne à ne voir dans l’office que la représentation liturgique du drame de la tentation du Christ, ces deux versets sont comme la voix du prophète qui vient se faire entendre en manière d’encouragement avant que commence l’action. Mais il faut aller plus loin. Le drame est élargi ici à la mesure du Corps mystique. Après l’incident du désert, Satan ne s’est éloigné que pour un temps. Il est revenu très vite autour de l’Eglise et de  chacun de ses membres, pour qui il demeure un danger toujours actuel. Dès lors, ce n’est plus à Notre Seigneur seul que s’appliquent les versets du psaume mais à tous ses membres ; et ce n’est plus seulement la voix du prophète qui chante mais la voix de l’Eglise, chargée de fortifier, d’encourager, de réconforter ceux qui ont à porter le  fardeau de la résistance ; la voix de toute l’Eglise, celle du Christ et des élus et des âmes du Purgatoire qui parlent d’expérience, et celle de tous ceux qui, sur la terre, ont mission de nous aider, en nous communiquant quelque chose de leur foi et de leur confiance.

Ainsi entendu, le Graduel est tout à fait à sa place après l’Epître où Saint Paul nous présente le dur labeur de l’ascèse chrétienne comme l’arme défensive et offensive du combat.

LA MÉLODIE

C’est la mélodie type des graduels du IIe mode. On ne saurait, il va de soi, y chercher une expression particulière ; il reste que dans l’ensemble elle a bien le ton de sympathie, de bienveillance, de tendresse délicate qui communique aux mots la puissance merveilleuse du réconfort. Beaucoup d’ailleurs se trouvent fort bien servis : mandávit, à qui le salicus donne une touche de ferme autorité ; ut custódiant, avec la bivirga qui fait la recommandation si pressante ; les deux pronoms te qui reçoivent une marque particulière de sollicitude, ainsi que túis à la fin de la première partie ; in mánibus portábunt te, léger comme un vol d’ange ; ne únquam, avec une nuance d’expresse recommandation…

Compte tenu de ce qui vient d’être dit, on ne saurait ajouter quoi que ce soit aux conseils d’exécution donnés à la fin des graduels de la Vigile de Noël et de la Messe de Minuit .

TRAIT

Ps. XC.

Le Psaume XC est un dialogue entre une âme qui se confie à Dieu et une autre âme qui lui réplique en lui détaillant tout ce qu’elle recevra du divin Protecteur. Le Seigneur intervient à la fin pour tout confirmer.

Au sens liturgique, la première sera l’âme qui va se livrer à la pratique de l’ascèse durant le Carême, la seconde, l’Eglise, comme dans le Graduel. C’est Dieu le Père qui interviendra à la fin.

Comme le texte est composé du Psaume XC presque tout entier et que la mélodie n’a pas d’originalité propre, étant faite des formules psalmiques du IIe mode, il a paru préférable de ne pas les traiter à part l’un de l’autre mais d’indiquer seulement, après la traduction de chaque verset, les expressions particulièrement marquées.

I – Chant de l’âme qui se confie à la garde du Très-Haut –

– Celui qui est à demeure sans assistance du Très-Haut, sous la protection du Dieu du Ciel reposera.

Le mot hábitat est bien en évidence. Il ne s’agit pas en effet de celui qui  demande, en passant, la protection divine mais de celui qui demeure sous l’assistance du Très-Haut. Les deux premières notes doivent être très légèrement élargies et unies en un seul temps. Altíssime arrive très heureusement à la cadence de la médiante. Déi caéli est le mot le plus expressif ; par le punctum allongé, la quinte descendante et la distropha suivie de la tristropha répercutée, il est enveloppé de tendresse, en même temps qu’est mis en évidence tout ce qu’a de précieux une si haute protection. Il y a sur non commorábitur une belle touche de ferme assurance.

– Il dira au Seigneur : Tu es celui qui m’a pris et mon refuge, mon Dieu. Je mettrai mon espoir en toi.

Un léger ralentissement sur le premier climacus de Dómino lui donne une belle nuance de vénération. Méus es et Déus méus sont bien en relief aux cadences, enveloppés de confiance et d’amour, de même éum à la fin.

– Parce que lui-même m’a délivré du filet des chasseurs et de la parole dure.

Long développement, confiant et tendre, sur Ipse. Líberavit a un motif joyeux de libération.

II – Réplique de l’Eglise –

– Comme un oiseau, de ses ailes, il te couvrira et sous ses plumes, tu auras confiance.

Cadences heureuses sur obumbrábit tíbi et sur pénnis éjus.

– D’un bouclier t’entourera sa fidélité. Tu ne craindras pas les frayeurs de la nuit.

Scúto est très caractéristique à cause des notes prolongées et répercutées qui évoquent le bouclier étendu en protection.

– Ni la flèche qui vole durant le jour, ni les complots qui se trament dans la nuit, ni la ruine, ni le démon de midi.

Les trois mots, ságitta volánte, ruína et dæmónio meridiáno ont des motifs originaux ; le même pour les deux derniers. Les triples notes sur negótio et ruína sont des trivirgas épisématiques.

– Ils tomberont, à ta gauche, mille, et dix mille à ta droite, mais, de toi, rien n’approchera.

Toute la première partie, par le développement sur les notes élevées, a quelque chose de joyeux qui cadre bien avec l’idée de salut assuré par la protection divine.

– Parce que à ses Anges il t’a recommandé, afin qu’ils te gardent sur tous tes chemins.

Heureuses applications à te et custódiant te.

– Dans leurs mains ils te porteront pour que jamais tu ne blesses, à la pierre, ton pied

– Tu marcheras sur l’aspic et sur le basilic et tu fouleras aux pieds le lion et le dragon.

Ambulábis, leónem et dracónem ont un développement qui les souligne fortement.

III – Intervention du Seigneur –

– Parce qu’en moi il a mis sa confiance, je le délivrerai ; je le protégerai, parce qu’il a fait appel à mon nom.

Sperávit, mot entre tous important, est en plein relief; de même les deux éum.

– Il m’invoquera, et moi je l’exaucerai, je suis avec lui dans la tribulation.

Ego sur la formule ordinaire est particulièrement expressif : le ralentir légèrement.

– Je le retirerai de l’épreuve et je le glorifierai. D’une longue suite de jours je le comblerai et je lui ferai voir le salut.

Tous les pronoms éum sont en relief. Longitúdinem diérum a la même formule que dans l’Introït, une longue tenue répercutée, très évocatrice.

OFFERTOIRE

LE TEXTE

Sous ses ailes, il te couvrira d’ombre, le Seigneur ;
Et sous ses plumes, tu pourras espérer ;
D’un bouclier, t’entourera sa fidélité. Ps. XC, 4-5.

Après avoir entendu le récit de la tentation du Christ et l’avoir vu dans le triomphe de sa victoire, servi par les Anges de Dieu, l’Eglise chante ces deux versets aux fidèles pour leur dire tout ce qu’ils trouveront de confiance, de force, de tendresse maternelle, dans le Seigneur s’ils veulent s’abandonner à sa protection et se réfugier en lui, comme les poussins sous les ailes de leur mère.

LA MÉLODIE

Elle est aimable, douce et tendre comme la voix d’un ami annonçant à un ami des félicités dont il a déjà fait lui-même l’expérience.

L’intonation, toute paisible, est déjà pénétrée de joie ; une joie qui s’exalte un peu sur obumbrábit et qui devient toute tendresse dans l’admirable retombée de tíbi Dóminus.
Il y a plus de mouvement dans la seconde phrase ; l’exaltation grandit. La mélodie souligne éjus d’une fervente vénération qui est comme un tendre hommage à la maternelle douceur du Père et qui en évoque les joies profondes,  puis elle va s’évanouir sur sperábis, chantant avec éclat l’espérance qui garde le courage intact.

Ce mouvement plein d’élan continue dans la dernière phrase. Scúto a la même formule que dans le Trait, étendue comme une force protectrice. Sur circúmdabit te une nuance de tendresse très marquée domine, mais pour un instant seulement. C’est dans une sorte de grandeur majestueuse que tout s’achève sur véritas éjus, comme un hommage à la  fidélité infinie de Dieu, sur quoi tout repose.

Bien mener le crescendo jusqu’à tíbi dans la première phrase et qu’il soit discret.
Ralentir légèrement la descente de éjus, y rattacher sperábis dans un seul mouvement. La double note est une bivirga épisématique, y mettre le ferme appui de l’espoir vivant.

COMMUNION

LE TEXTE

Sous ses ailes, il te couvrira d’ombre, le Seigneur ;
Et sous ses plumes, tu pourras espérer ;
D’un bouclier, t’entourera sa fidélité. Ps. XC, 4-5.

C’est le même que pour l’Offertoire. L’interprétation aussi est la même, rendue seulement plus actuelle et plus vivante du fait de la communion ; le bonheur d’être caché en Dieu, maintenant et à jamais, et de jouir de lui, dans la confiance et la paix, étant le fruit de l’Eucharistie.

LA MÉLODIE

L’expression d’ensemble ne diffère guère de celle de l’Offertoire que par des nuances. C’est bien la même tendresse révélant le même bonheur. On la trouve dès l’intonation avec toutefois, sur súis, un accent qui a quelque chose de plus profond, de plus intime : l’évocation des joies de la présence divine. Dans la seconde phrase, c’est pénnis qui est en relief et non éjus, mais c’est bien le même amour ardent et délicat. Scúto légèrement élargi prend cette fois avec circúmdabit te la forme d’une enveloppante sollicitude.

La double note de súis est une bivirga épisématique ; la faire très expressive. Bien allonger pénnis, comme une aile qui s’étend ; donner tout le poids du rythme à la dernière note. Elargir circúmdabit.

Polyphonies pour le carême

Le Trait de la messe de ce 1er dimanche de Carême étant particulièrement long (3 pages et demie), nous vous proposons une version en faux-bourdon, à savoir une alternance de psalmodie grégorienne et de polyphonie; cette dernière est sur le thème du De profundis parisien. Le résultat est très beau et la mise en œuvre aisée.

Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici