Vingt-troisième dimanche après la Pentecôte (XXIII)

Table des matières

Les chants de cette messe sont communs aux dimanches suivants jusqu’au 1er dimanche de l’Avent 

Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.

LEÇONS DES MATINES : En Octobre : Les Machabées.
En Novembre : Les Prophètes.

ÉPÎTRE : nous attendons notre Sauveur qui transformera notre corps de misère en corps glorieux (Phil. III 17-21, IV 1-3).

ÉVANGILE : Guérison de l’hemorroïsse et résurrection de la fille de Jaïre. (Math. IX, 18-26).

IDÉE CENTRALE : La fin des temps, il va de soi, mais sous l’aspect de la résurrection et de la glorification des corps. Saint Paul l’annonce dans l’Epître : « Pour nous, notre cité est dans les cieux d’om nous attendons aussi comme sauveur le Seigneur Jésus-Christ, qui transformera notre corps si misérable, en le rendant semblable à son corps glorieux par sa vertu puissante qui lui assujettit toutes choses ». Dans l’Evangile, Notre Seigneur nous offre deux exemples de sa puissance sur la matière : la guérison de l’hémorroïsse et la résurrection de la fille de Jaïre. Dans le cadre de la liturgie de ce dimanche, le premier de ces miracles peut être considéré comme la figure de la conversion des Gentils qui sera un des signes du dernier jour. Ainsi le présente saint Jérôme dans l’homélie du 2ème nocturne. La seconde figure, beaucoup plus clairement encore, la résurrection des corps.

L’Introït et le Graduel entrent bien dans cet aspect glorieux de la fin du monde. Par contre, l’Alleluia et l’Offertoire sont une prière où passe l’angoisse des épreuves à venir et du jugement qui suivra.

INTROÏT

LE TEXTE   Il dit, le Seigneur : Moi, je pense des pensées De paix et non d’affliction.  Vous m’invoquerez et je vous exaucerai. Et je ramènerai votre captivité de tous lieux.   Ps.Tu as béni, Seigneur, ta terre.  Tu as fait rentrer la captivité de Jacob.    Jérémie XXIX. 11-12.  Ps. LXXIV. 2.

Ainsi parlait le Seigneur par son prophète aux captifs de Babylone. Paroles d’espoir qui, par delà les années d’exil si longues, faisaient luire à leurs yeux la suprême consolation de la paix divine et du retour dans la patrie.

Ainsi continue-t-il de parler aux chrétiens à la veille des derniers jours. Les épreuves ne dureront pas, elles doivent être, elles sont nécessaires pour fortifier les âmes et les purifier, mais il ne les veut pas positivement. Ce qu’il veut pour les hommes, c’est la paix, le repos dans sa béatitude. Qu’ils continuent de le prier et, de tous les lieux et de tous les âges où la captivité les a tenus, il les ramènera au Paradis retrouvé. Et l’Eglise qui entend cette voix de la Miséricordieuse Bonté chante sa gratitude : « Tu as béni, Seigneur, ta terre, tu as ramené les captifs de Jacob. »

LA MÉLODIE

Sitôt après l’intonation, qui est comme le prélude de cette communication divine, la voix du seigneur s’élève sur ego cogito, douce, aimable, avec un accent très particulier de sympathie qui comprend, de tendresse réconfortante. Ce n’est rien, ces quelques  notes sur le fa, ce torculus qui brode au la en s‘élargissant un peu sur l’accent, et cette dernière syllabe de cogito qui se pose longue et souple sur la tonique, mais il y passe quelque chose de si spontané, de si naturellement attirant que se trouve tout de suite établie entre Dieu et nous une atmosphère de bonté, plus que cela : d’intimité et d’intimité familiale. C’est vraiment le Père, notre Père qui est au cieux, qui, pour nous rassurer, en ces moments d’effroi, nous livre ce qu’il pense de nous au fond de son cœur : cogitationes pacis ; des pensées de paix… Y croyons-nous assez à la veille du cataclysme, au soir de notre vie, si lourde sur nous de péchés et d’ingratitudes ? Ecoutons donc sa voix qui monte et qui insiste tout le long de la montée, appuyée sur les notes longues, les répercussions, le salicus, la clivis allongée, le pressus du sommet et qui s’épanouit et qui descend pleine de bonheur, comme s’il prenait joie à nous faire entendre, en ces heures pénibles, le mot qui est sur nous depuis notre baptême et remplira notre éternité : Pax. Ce n’est pas fini, il renouvelle l’insistance : et, non afflictionis, c’est la même chose, mais l’idée est ainsi plus enfoncée en nous et un peu plus de tendresse à travers ces notes qui se balancent, aimables et douces, passe de son cœur dans notre cœur.   Il y a plus de mouvement dans la deuxième phrase. C’est une recommandation et le Seigneur la fait pressante, mais on y décèle la même tendresse notamment sur la cadence si gracieuse de me et plus encore sur exaudiam vos où la nuance d’intimité est vraiment exquise.   Cette nuance s’accentue sur reducam captivitatem, qui est comme un murmure confidentiel, mais où passe une assurance si ferme et forte ! C’est cette force qui monte sur de cunctis imposante, irrésistible, couronnant, de toute l’autorité de la puissance divine, cette parole d’amour.   L’Eglise, réconfortée et toute confiante, chante alors dans la joie sa gratitude : Benedixisti Domine térram tuam…   Il ne faut chanter ni vite, ni fort.   L’intonation, bien qu’elle ne fasse qu’introduire la parole du Seigneur, est revêtue elle-même de tendresse, c’est d’ailleurs le motif de cogitationes ; veillez à ce qu’elle soit souple, liée et douce. Elargissez quelque peu le torculus de cogito et rattachez à la tristropha cogitationes, qui sera enveloppée, dès le fa, dans un crescendo discret : il s’épanouira sur la double note qui est une bivirga, mais sans la heurter ; au contraire, elle devra être douce tout en étant ferme. Elargissez-la, comme toute la descente qui suit ; le torculus répercuté s’étalera bien sur la tonique. Il faudra y lier de près l’incise qui suit ; le sommet en sera arrondi et la descente vers le quilisma légèrement retenue.   On ne chantera pas plus fort la phrase suivante mais on lui donnera un peu plus de mouvement. Allongez légèrement le punctum qui précède le torculus de ca dans invocabilis et mettez-y l’appui rythmique ; Faites sur l’incise qui suit un léger crescendo-accelerando.   Chantez doucement et reducam ; la tristropha de captivitatem sera douce et soulevée vers l’accent ; allongez la première note du podatus de tem. Faites le pressus de de expressif et la montée forte et ferme.   Le psaume sera paisible mais joyeux ; les trois temps composés binaires de l’intonation bien balancés.

GRADUEL

LE TEXTE Tu nous as délivrés, Seigneur,  De ceux qui nous affligeaient, Et ceux qui nous haïssaient, tu les as confondus.   Verset.En Dieu nous serons glorifiés tout le jour. Et à son nom nous chanterons dans les siècles. Ps. XLIII. 8, 9.

Dans la première partie du Psaume XLIII les Juifs chantaient la délivrance que si souvent le seigneur leur avait value et la gratitude qu’ils lui en gardaient.   C’est bien dans le même sens que l’Eglise entend ici ces deux versets. Tout heureuse de ce qu’elle a entendu le Seigneur lui dire à l’Introït et Saint Paul à l’Epître, elle chante la puissance du Christ qui l’a délivrée jadis et, dans sa reconnaissance pour le passé, dit à l’avance sa gratitude pour l’avenir, comme si la délivrance suprême était déjà réalisée. Admirable acte de confiance qui, pour un instant, sort l’âme des sombres visions du mal pour la fixer sur les joies toutes proches des temps nouveaux, quand, glorifiée en Dieu, elle chantera, dans le jour sans soir, sa miséricorde, éternellement.

LA MÉLODIE

On sent la joie dès l’intonation sur la double note et le salicus de liberasti. Elle s’élève sur Domine en un bel accent de gratitude plein de vénération et d’ardeur à la fois. Il se prolonge tout le long de l’arsis de affligéntibus et devient joie profonde dans la descente au grave sur nos.   Au début de la seconde phrase, la mélodie prend une couleur plus sombre, il y passe sur et éos qui nos odérunt quelque chose de dur qui révèle la haine des ennemis et un secret désir de vengeance. La joie revient sur confudisti avec une nuance de force bien marquée sur les pressus et les salicus ; l’Eglise chante l’autorité du Seigneur, maître des peuples, des rois et de Satan, et son bonheur et sa fierté d’avoir été tirée par lui de tant d’embûches semées sur son chemin.     Le Verset. – (VII) In Déo laudabimur tota die et nomini tuo confitébimur in saécula.   C’est un chant de joie. Joie toute contemplative d’abord sur Déo. L’âme prise par l’idée qu’elle sera en Dieu, perdue dans la vision de son être infini, enserrée dans l’étreinte d’amour des Divines Personnes, se laisser aller à son bonheur ; elle ne pense plus qu’à cet état dans lequel éternellement la gloire de Dieu la rassasiera. D’où cette vocalise qui se déroule dans le grave comme un jubilus d’Alleluia et sous laquelle on sent une ardeur qui perce ici et là sur les pressus, les distrophas et les tristrophas. Elle s’exalte avec l’idée de la louange divine et monte, puissante et sonore, sur laudabimur tota die, pour chanter le jour sans fin.   La mélodie se revêt à nouveau de vénération grave sur nomini tuo et s’achève sur in saécula en une formule où passe la ferveur de l’âme tendue vers l’éternelle louange qu’elle fera monter bientôt vers le Dieu si bon qui l’aura sauvée à jamais. Il faut chante la première phrase avec enthousiasme, dans un bon mouvement, en marquant bien le rythme. La double note de liberasti est une bivirga épisématique. Attaquez net le porrectus de Domine et allez en crescendo dans la remontée vers le sol. Veillez à ne pas précipiter les neumes de bus dans affligéntibus nos.   Dans la seconde phrase le mouvement sera le même. Un crescendo ira vers confidisti à partir de odérunt. Scandez bien la descente des pressus et marquez d’un bon allongement les salicus.   Le verset sera léger et doux. Elargissez laudabimur tota die. La double note de nomini est une bivirga épisématique, posez la avec chaleur. Toute la cadence finale sera élargie.

ALLELUIA

LE TEXTE

Du fond de l’abîme, je crie vers toi, Seigneur. Seigneur écoute ma voix.   Ps. CXXIX. 1, 2.

Brusque changement. Après l’éternelle louange évoquée dans la joie de l’avenir tout proche, un cri de misère monte du sombre présent. Peut-être une seconde lecture après l’Epître amenait-elle autrefois ce chant d’angoisse. Mais point n’est besoin de cette transition ; n’est-ce pas normale cette évasion de l’âme accablée vers les perspectives heureuses et ce retour soudain aux dures réalités du moment ? Ces dures réalités, ce sont ici les terribles épreuves de la fin des temps, le jugement dernier et, derrière soi, la vie, et le péché qui la rend si pesante que nous sommes comme fixés au fond d’un abîme, dont nous ne saurions sortir que tirés par la main de Dieu.

LA MÉLODIE   Il y a ici une transition au Graduel; c’est l’intonation qui reprend sur Alleluia les derniers neumes de confitébimur et de saécula.   De ce rappel des joies d’il y a un instant, s’élève une plainte douce qui supplie humblement et délicatement.   On l’entend deux fois. Esquissée une troisième fois, elle vient mourir peu à peu sur le sol.   La formule de l’intonation est entendue à nouveau sur De profundis et la prière s’élève sur clamavi. Retenue par le quilisma et le pressus, elle est pesante, comme si l’âme, accablée, ne pouvait s’élever au-dessus de l’épreuve. Après une cadence plaintive sur si elle repart sur ad te aussi lourde.   L’intonation, reprise sur Domine, amène cette fois sur exaudi un cri d’une extrême violence, angoissé, anxieux, suppliant comme un appel de détresse ; il se continue sur la tierce mineure ré-fa et sur la broderie de l’Alleluia qui apparaît à nouveau, aussi suppliant dans cette insistance plaintive que dans l’ardeur de son élan.   Une quatrième fois, l’intonation est esquissée sur vocem méam et la plainte recommence. Elle sera encore reprise avec l’Alleluia. Elle enveloppe ainsi toute la prière d’une monotonie triste qui, dans le cadre sombre de ces derniers jours du monde, en fait une beauté unique.   Le jubilus de l’Alleluia sera très léger, chanté d’une voix douce. On élargira légèrement le podatus et le climacus qui précèdent le dernier quart de barre et toute l’incise qui suit.   Sur clamavi un léger crescendo en élan se détendra sur le pressus jusqu’à la cadence sur si. Elargissez la première note du podatus de ad te et faites Domine bien expressif.   Appuyez la montée de exaudi sur le salicus et le podatus allongé et donnez-lui une ampleur qui se prolongera sur tout le mot.

OFFERTOIRE

LE TEXTE

C’est encore le De profundis. La guérison de l’hémorroïsse et la résurrection de la fille de Jaïre n’ont pas tout à fait sorti l’âme des sombres perspectives où elle était fixée avant le chant de l’Evangile. Elle voit bien la résurrection, mais par delà l’épreuve de la mort et du jugement, et elle se sent si impuissante à aller au-devant des détachements qui la sortiraient de l’abîme et lui enlèveraient toute crainte, qu’elle demeure dans la tritesse.

LA MÉLODIE

La première phrase est plaintive comme l’Alleluia mais il n’y passe pas d’angoisse. C’est une prière humble, discrète, ardente tout de même ; la montée sur la tristropha qui insiste, l’arsis de clamavi avec le quilisma, les clivis allongées, même la cadence si simple de Domine ; tout cela est suppliant ; triste aussi, mais on sent l’âme apaisée.   Cette atmosphère de paix est plus marquée dans la seconde phrase. Le caractère mineur de la mélodie est très réduit ; c’est du beau IIe mode avec une nuance de tendresse qui se teinte même de joie délicate sur Domine et sur exaudi, comme une prière d’enfant qui va vers le Père avec un sourire des lèvres. Cette éclaircie se prolonge sur orationem méam, mais on sent déjà la plainte qui revient. Elle gagne peu à peu comme si lentement l’image du Père fondait et que l’âme se trouvât à nouveau au fond de l’abîme sombre.   Et le De profundis s’élève à nouveau, comme un refrain, portant au Seigneur la même supplication, sur les mêmes mots qui ne précisent rien mais qui demandent tant à celui qui sait tout !   On chantera cette mélodie de la même voix effacée qui a chanté l’Alleluia. Un crescendo discret ira sur la tristropha de De profundis qui sera soulevée et on fera clamavi ad te très suppliant, balançant bien le rythme sur les épisèmes horizontaux. Elargissez la première note de te.   La deuxième phrase sera plus légère. La double note de ne dans Domine est une bivirga : posez-la bien, renforcez-y la voix pour remonter vers exaudi dont vous arrondirez bien le torculus en l’élargissant ; retenez aussi la première note du porrectus, de même la première du podatus de nem dans orationem et celle qui précède la tristropha de méam. Toute la vocalise qui finit la phrase sera  très liée, quelque peu retenue, la cadence finale, élargie et bien posée.   Après un temps de silence, on reprendra De profundis en le retenant légèrement et en élargissant la cadence finale.

COMMUNION

LE TEXTE

En vérité, je vous le dis : Quelque chose que, priant, vous demandiez,  Croyez que vous recevrez, Et ce vous sera accordé.   Marc. XI. 24.   Cette parole et comme la réponse de Notre seigneur à la prière qui de l’Alleluia et de l’Offertoire est montée vers lui. En ce moment d’intimité, il dit le mot du réconfort : « Tout ce que vous demanderez, dans une prière bien comprise qui soumet votre demande à ma sagesse et à mon amour pour vous, vous l’aurez » mot qui donne à l’âme la force de porter l’épreuve qui vient et d’aller, confiante et heureuse déjà, recevoir ce qu’elle n’a cessé de demander : la puissance de louer le Seigneur à jamais.

LA MÉLODIE

Elle est toute pénétrée de joie, une joie douce, délicate avec un accent de sympathie, de tendresse réconfortante. Au fond c’est bien la même que dans l’Introït; elle prend seulement ici, avec la forme de l’antienne, un développement restreint qui la fait paraître plus simple ; plus intime aussi peut-être.   Tout l’élan de la mélodie est dans l’intonation – celle du Gaudeamus. Elle monte claire comme un sourire, prend sur le la une assurance ferme, qui va bien à ce mot d’affirmation forte, et s’épanouit sur vobis dans la légèreté pleine d’entrain que lui donne l’accent tonique ; mais aussi avec une grâce aimable qui vient vers nous et nous touche. La détente se fait toute simple, sur quelques notes qui, en s’arrêtant au sol, préparent la reprise du mouvement sur crédite.   L’expression ici, n’est pas la même. Notre Seigneur insiste, non seulement sur crédite qui reçoit du torculus en plein élan un très fort accent de persuasion, mais sur tous les mots : sur quia par le podatus, sur accipiétis de tous le plus développé ; il n’est pas jusqu’à ce récitatif sur le fa qui ne contribue à faire sa parole plus pénétrante. Il sait bien que c’est la foi, la foi vive, en acte à tout instant, qui nous manque le plus, surtout aux heures d’épreuve.   Cette force qu’il veut donner aux mots se pénètre sur et fiet vobis de tendresse compatissante ; la voix légèrement appuyée sur les pressus et le salicus descend douce, retenue, effacée sur vobis à qui elle donne par l’élargissement de la virga une onction qui vient droit à nous.   Le mouvement ne sera pas rapide. On veillera à l’égalité des notes, notamment sur vobis. N’allongez pas le torculus de pétitis, il faut que cette première incise soit reliée à la suivante de près. Il sera bon de retenir quelque peu le punctum de te dans crédite pour que la diction soit bonne. Elargissez la montée de accipiétis. Que le rythme soit très balancé dans la dernière incise qui sera toute retenue légèrement.

Si la fête de Pâques est tôt dans l’année, les dimanches après l’Epiphanie (3e au 5e) qui n’ont pas pu être célébrés vont servir d’emploi pour allonger la liste des dimanches après la Pentecôte jusqu’à arriver au 1er dimanche de l’Avent.

Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici