Quatorzième dimanche après la Pentecôte (XIV)

L’introït Protector noster interprété par la Schola Bellarmina

Table des matières

Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.

LEÇONS DES MATINES : En août : Ecclésiastique. En septembre : Job, Tobie, Judith.

ÉPÎTRE : Ne pas accomplir les œuvres de la chair car la chair convoite contre l’Esprit, mais réaliser les œuvres de l’Esprit (Gal. V, 16-24).

ÉVANGILE : On ne peut servir Dieu et Mammon. Avoir confiance dans la Providence et chercher d’abord le Royaume de Dieu (Math. VI, 24-33).

IDÉE CENTRALE : Vivre dans l’Esprit du Christ. Ne pas suivre les désirs de la chair, mais tendre vers les fruits que produit en nous l’Esprit. Pour y arriver, vivre comme le Christ-Jésus dans une confiance filiale, abandonnée, joyeuse en la Providence du Père qui nous veut dans son Royaume et qui nous y fait conduire par l’Esprit-Saint, pour peu que nous le cherchions.

INTROÏT

LE TEXTE

Notre protecteur, regarde, ô Dieu, et regarde encore la face de ton Christ. Car meilleur est un seul jour dans tes parvis que mille.

Ps. – Qu’ils sont aimés tes tabernacles, Dieu des vertus ! Elle soupire et défaille, mon âme, dans les parvis du Seigneur.

Ps. LXXXIII. 10, 11, 12.

Dans le Psaume, tel que nous le lisons dans la Vulgate, ces deux versets se suivent, mais comme deux idées différentes.

10. Notre protecteur, regarde, ô Dieu, regarde encore la face de ton consacré.

11. Parce que meilleur est un seul jour dans tes parvis que mille, j’ai choisi d’être au dernier rang dans la maison de Dieu, plutôt que d’habiter dans les demeures des pécheurs.

Ici, parce que la deuxième partie du verset 11 n’existe pas, les deux forment un tout dont le sens n’est pas facile à discerner de prime abord. On peut proposer ceci pour en faire l’unité.

Notre protecteur, ô Dieu, regarde, regarde avec amour ton consacré – le Christ et ses membres unis dans le Corps mystique – et protège-le afin que, de plus en plus, il vive avec toi dans la foi. Car un jour dans ce parvis de la Béatitude qu’est ta vie partagée dans l’unité de l’Esprit, en vaut mille.

L’introït serait ainsi un chant par lequel l’Église demanderait au Seigneur son aide pour vivre de la foi, et qui exprimerait en même temps le bonheur qu’elle goûte en sa présence.

LA MÉLODIE

La distropha de Protector avec la clivis répercutée, le pressus de noster, la double note de aspice, l’insistance des clivis allongées sur Deus, la cadence en mi, font la première incise très déprécative. La supplication s’avive encore dans la seconde sur Christi tui, mais on n’y décèle pas d’angoisse; tous les intervalles sont pleins, y compris la cadence en la de tui. C’est que dans toute cette phrase l’âme fait déjà passer, en même temps que sa prière, la fierté et le bonheur qu’elle a d’être une avec le Christ, enveloppée dans le même regard d’amour du Père.

Dans la deuxième phrase, il n’y a plus que ce bonheur. C’est un chant doux, réservé. Il dit une jouissance intime qui ne saurait se livrer. Notez le motif si délicat de quia répété sur melior et le balancement de la cadence de atriis tuis. Seuls les deux mots qui s’opposent, una et millia, sont en relief, mais c’est encore pour chanter la joie de la maison de Dieu. Millia surtout s’y complait. Quelle belle cadence de plénitude heureuse !

Le Psaume reprend l’idée, bien servi par les formules si délicates du IVe mode.

GRADUEL

LE TEXTE

Il est bon de se confier dans le Seigneur plutôt que de se confier dans l’homme.

Verset. – Il est bon d’espérer dans le Seigneur plutôt que d’espérer dans les puissants.

Ps. CXVII. 8, 9.

Ces deux versets ont leur sens en eux-mêmes. Ils forment une sorte de proverbe qui est courant dans tous les pays.

Ils arrivent bien ici après l’énumération, entendue à l’Épître, des œuvres de la chair et des fruits de l’Esprit. Mieux vaut se livrer à l’Esprit du Seigneur qu’à l’homme charnel. Ils sont en même temps comme un prélude à l’Évangile, où Notre-Seigneur va nous prêcher l’abandon total à la Providence du Père.

LA MÉLODIE

Dès la double note de l’intonation on sent la joie pleine, assurée, ferme. Elle monte un peu sur confidere mais comme en passant. C’est une joie qui n’éclate pas, une joie intérieure; la joie de Dieu dans la nôtre. L’âme la savoure à loisir sur la formule de Domino, exclusivement réservée au Seigneur. Elle s’avive au début de la seconde incise et entraîne la mélodie à la dominante, excitée quelle est peut-être par la comparaison mais, très vite, elle revient aux formules graves où elle se complait jusqu’à ce que la finale l’emporte un instant dans une nuance d’exaltation.

Le verset

Sur des formules très communes, c’est une belle délectation, prolongée, savourée. Elle s’achève une première fois sur la formule brillante de Domino qui monte en louange vers le Seigneur, repart par une affirmation nette et ferme sur la double note de quam et s’étale à nouveau sur les neumes légers de sperare avant de trouver, sur principibus, la formule qui lui donne pour finir une nuance de gravité ramenant, très heureusement d’ailleurs, l’atmosphère recueillie du début.

ALLELUIA

LE TEXTE

Venez, chantons joyeusement le Seigneur. Acclamons Dieu, notre Sauveur. Ps. CIV. 1

Cette invitation à louer le Seigneur dans la joie se passe d’explication et elle entre d’elle-même dans le cadre de la messe, entre l’Épître qui nous offre les fruits de l’Esprit et l’Évangile qui nous révèle la Providence sans cesse agissante de notre Père des Cieux.

LA MÉLODIE

C’est bien une invitation à la joie : le bel élan de l’intonation, qui se prolonge sur le pressus de exultemus, le dit assez; mais elle est sans éclat, elle n’exulte pas, elle ne cherche pas à entraîner vers des démonstrations bruyantes. C’est un appel à une louange délicate, réservée; un chant baigné de contemplation.

Il n’en est pas moins ardent; notez le pressus de exultemus, la cadence sur mi, la montée ralentie de Domino, le quilisma, le pressus.

Le joie s’extériorise peut-être quelque peu au début de la seconde phrase. Après le pressus fervent de Deo, le rythme est en effet plus marqué sur le motif do mi ré, do mi ré, do, mais ce n’est qu’une nuance en passant, la cadence sur si de salutari ramène l’atmosphère de la première phrase. La longue vocalise de la fin la garde. Il y a bien la très belle montée au la par la distropha, la clivis allongée et le podatus mais elle se fait en une progression serrée et selon un rythme si large et si paisible que l’enthousiasme qui y passe s’extériorise à peine.

OFFERTOIRE

LE TEXTE

Il enverra, l’ange du Seigneur, (du secours) autour de ceux qui le craignent et les délivrera. Goûtez et voyez comme il est doux, le Seigneur.

Ps. XXXIII. 8-9.

Le Psaume XXXIII est un chant d’action de grâce. Mais, en temps que le psalmiste remercie en termes enthousiastes le Seigneur de l’avoir délivré, il a le souci constant de faire les autres tirer profit de son expérience.

C’est ainsi que ces deux versets font suite à la gratitude exprimée dans le verset précédent.

Ce pauvre a crié et le Seigneur l’a exaucé et il l’a sauvé de toutes ses afflictions. Il enverra, l’Ange du Seigneur…

Goûtez et voyez…

Il faut les entendre ici dans le même sens. Notre-Seigneur vient de dire qu’il ne faut pas se soucier à l’excès mais chercher le Royaume de Dieu d’abord et avoir confiance pour le reste dans la Providence du Père. L’Église corrobore ce conseil divin par cette autre parole inspirée : n’ayez aucune crainte, l’ange du Seigneur sera autour de vous qui le cherchez. Goûtez plutôt comme le Seigneur est doux.

LA MÉLODIE

L’intonation lui donne, dès le début, un caractère de suavité qui ne la quitte plus et qui nous garde très heureusement dans l’atmosphère paisible, douce, filiale, où nous a mis la lecture de l’Évangile. De ces quelques notes qui brodent autour de la tonique, elle monte légère et gracieuse sur angélus se soulève sur la distropha et la tristropha, s’attarde sur Dominus en un motif répété trois fois, à travers lequel l’âme peut à loisir faire passer sa vénération aimante, car le quilisma et le pressus le font très expressif. Elle met alors timidement en relief par une formule qui s’apparente d’assez près à celle de Angelus, et dont la légèreté et la douceur conviennent fort bien à ce mot qui dit l’amour et non la crainte.

Elle repart aussitôt sur eripiet qu’elle revêt de la même formule que Domini et, très vite, conclut cette phrase tout courte par une cadence sur la dominante.

Vient alors l’invitation à expérimenter le goût divin. Elle est toute de douceur et de grâce. La voix posée sur la virga pointée se prolonge sur la tristropha, en mouvement vers le porrectus qui la soulève et la fait glisser sur la clivis. Elle rebondit aussitôt sur videte où elle  se meut en broderies légères avant de trouver son expression sur le balancement du pressus, du quilisma et du punctum de te. Alors, sur quoniam, se dessine comme une nuance de confidence intime qui va s’épanouir sur suavis est; le motif le plus gracieux de tout l’offertoire sans conteste, et le plus expressif peut-être par le caractère de tendresse délicate que lui donne la cadence en si. Pour finir, l’âme chante sa joie sur Dominus qu’elle revêt du motif de circuitu, entendu déjà sur videte. La cadence finale est commune, mais la double note du sommet lui donne une expression de ferveur qu’elle n’a pas ailleurs.

COMMUNION

LE TEXTE

D’abord, cherchez le Royaume de Dieu, et tout vous sera ajouté, dit le Seigneur. Math. VI, 23.

C’est le dernier mot de l’Évangile. Il est bien à sa place au moment de la communion. L’Église le suggère comme l’attitude à réaliser pour que le Christ Jésus puisse, par le sacrement, nous transformer en Lui et nous faire jouir des fruits de son Esprit : ce qui est à proprement parler le Royaume de Dieu en nous.

LA MÉLODIE

C’est une invitation très douce avec une pression délicate sur quaerite et, sur Dei, un bel élan de joie qui passe sur omnia où il se mêle à une nuance d’insouciance ou, pour mieux dire, d’abandon. On y sent l’âme libérée de tout souci et heureuse de l’être. Le dicit Dominus est une vénération très gracieuse et très aimante du Seigneur.

 

 

Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici