Neuvième dimanche après la Pentecôte (IX)

L’introït Ecce Deus du neuvième dimanche après la Pentecôte par la Schola Bellarmina

Table des matières

Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.

LEÇONS DES MATINES : Élie reçoit mission de prédire sa mort au roi Ochozias qui avait consulté Beelzébub. Le feu du ciel extermine les envoyés qui venaient le chercher.

(IV. Rois. I, 10.)


ÉPÎTRE : Saint Paul rappelle aux Corinthiens les châtiments de Dieu : les vingt-trois mille Hébreux tués pour fornication, et ceux qui furent exterminés pour avoir murmuré contre Moïse. Figure de ce qui doit nous arriver si nous péchons. (I Cor. X, 6)


ÉVANGILE : Notre-Seigneur pleure sur Jérusalem et prédit sa destruction. Il chasse les vendeurs du Temple (Luc XIX. 41-47)


IDÉE CENTRALE : Ce dimanche est vraiment sous le signe du châtiment qui suit le péché. Le Roi Ochozias, les Hébreux, Jérusalem les vendeurs du Temple… C’est aussi ce qui nous attend, si nous transgressons les lois divines. Demandons donc au Seigneur comme nous le suggère la collecte, de nous inspirer ce qui lui plaît, plutôt que de nous en tenir à nos propres désirs.

INTROÏT

LE TEXTE

Voici que Dieu m’aide et que le Seigneur prend sur lui mon âme. Détournez les maux sur mes ennemis et, dans la fidélité (à vos promesses), anéantissez-les. Ps. – O Dieu, par votre nom, sauvez-moi et dans votre vérité rendez-moi justice. Ps. LIII, 6, 7, 3.

David composa le Psaume LIII au temps où, poursuivi par Saül, il était contraint de chercher un refuge en territoire étranger. Les deux premières strophes sont un appel au secours : « Seigneur sauvez-moi… » La troisième est un chant plein de réconfort : « Voici que le Seigneur m’aide… » Comme si, entre les deux, le persécuté avait reçu l’assurance que le Seigneur, à son appel, allait agir incessamment.

Ici l’ordre est renversé : c’est d’abord la joie du réconfort puis l’appel au secours; mais le sens est à peine différent. L’ensemble entre bien dans l’idée centrale de la messe. Devant les châtiments du péché qui sont toujours là, menaçants, l’Église chante sa confiance en la puissance miséricordieuse du Seigneur qui l’aidera à être fidèle, et appelle la vengeance de sa justice sur ses ennemis.

Le psaume vient alors demander un jugement équitable et le salut.


LA MÉLODIE

La première phrase est empreinte d’une grande paix. L’Église, assurée que Dieu va l’aider, n’a plus peur, au milieu de ses ennemis, des dangers qui l’environnent; elle chante sa joie tranquille sur les beaux intervalles majeurs et la cadence en fa toute paisible. Elle souligne Dominus avec tendresse et laisse sa gratitude et son bonheur monter sur animae meae : le mot qui dit toute sa vie.

L’allure de la seconde phrase est bien différente. Dès le début il y a, sur l’impératif averte, quelque chose de vif, qui devient même dur sur la clivis répercutée de mala. C’est l’appel à la vengeance qui commence. Il se développe sur inimici mei et prend fin sur une cadence en si où passe une nuance d’angoisse ou tout au moins de souffrance.

La phrase qui suit est liée très étroitement à la précédente. L’idée est la même. Il y a sur in veritate tua, qui rappelle à Dieu, très habilement d’ailleurs, combien il est fidèle à ses promesses, une nuance de révérence aimable puis, de nouveau, le ton se durcit et devient très violent sur la distropha, la répercussion et le pressus de illos. Protector, lui, va vers Dieu, tout enveloppé de confiance, d’amour et de joie comme le titre précieux que l’Église veut lui donner à la fin de sa prière.


GRADUEL


LE TEXTE

Seigneur, notre Maître, qu’admirable est votre nom sur toute la terre.

Verset.Car elle est élevée votre magnificence, au-dessus des cieux. Ps. VIII, 2.

Le Psaume VIII chante la grandeur de Dieu se manifestant dans son œuvre. Le verset 2 en est comme le résumé. Il formait sans doute une sorte de refrain chanté par le peuple en alternance avec les solistes.

On peut ici garder ce sens très général. Il s’applique en effet fort bien à la nature en cette splendeur de l’été où, sur la terre pleine de fruits et dans les cieux éclatants de lumière, jour et nuit, est partout écrite la puissance de celui qui les a faits.

Mais rien ne s’oppose non plus à ce qu’on le fasse entrer dans l’idée centrale de cette messe telle que nous l’avons dégagée. Il serait alors sur les lèvres de l’Église une exclamation par laquelle elle chanterait son admiration à la vue des faits merveilleux par lesquels le Seigneur partout protège son peuple, et qui viennent d’être rapportés à l’Épître : le feu du ciel, les serpents, les Anges…


LA MÉLODIE

 

Elle se développe dans la même atmosphère de paix heureuse que l’Introït avec une nuance très marquée de tendresse enveloppante sur Deus noster; on y sent  l’âme en relation intime d’amour avec le Seigneur.

Un beau mouvement d’admiration s’élève sur quam admirabile. Il n’a rien de brusque. Ce n’est pas un cri, c’est une exclamation. Elle monte du fond de l’âme qui sait ce qu’elle chante et qui met à le chanter tout son amour émerveillé. Cet élan si mesuré se détend sur nomen tuum en une thésis très liée et très tendre. Il rebondit sur universa terra en des rythmes où l’âme se complaît, puis se pose sur la cadence commune, toute paisible et toute simple.


Le verset

La mélodie est plus légère, mais l’expression est la même. L’âme, fixée sur la splendeur du Ciel, se laisse aller en contemplation sur quoniam elevata est. Elle jouit de ce qu’elle voit et de ce qu’elle sait être par delà ce que découvre son regard. Sa gratitude émue trouve alors, sur les belles cadences en la si délicates et dans la gravité de la formule finale la tendresse et la profondeur qui conviennent.


ALLÉLUIA


LE TEXTE

Délivrez-moi de mes ennemis et mettez-moi à l’abri, de ceux qui se lèvent contre moi.

Ps. LVIII, 2.


Cette prière si commune, si simple et toujours si actuelle est une idée nouvelle après le Graduel, mais elle vient assez naturellement sur les lèvres de l’Église. Celle-ci en effet, après avoir admiré la puissance que le Seigneur a déployée jusqu’ici pour la protéger, et lui avoir dit sa gratitude dans une louange d’admiration, n’oublie pas qu’elle a toujours ses ennemis; elle lui demande de continuer ce qu’il a fait : de l’en délivrer.

 

LA MÉLODIE

 

C’est bien une prière; la prière d’une âme qui sent, lourd sur elle, le poids de l’ennemi; Eripe a toute ses notes allongées, dans les manuscrits. La double note de mei est une bivirga épisématique et le motif répété de Deus est lui aussi très retenu. Il s’en dégage une expression de grisaille, de brouillard, d’atmosphère pesante où passe de la fatigue, de l’accablement… Mais qu’elle admirable prière humble et suppliante! Notez entre autres l’accent de ferveur que la bivirga du sommet met sur meis; et l’insistance répétée de Deus meus où l’on sent peser toute la lourdeur de l’âme.

La deuxième phrase continue la première sans rien qui dégage l’atmosphère. Le motif de insurgentibus se traîne dans un beau rythme, lent lui aussi. Deux fois répété, il est esquissé à nouveau, mais, sur les dernières syllabes du mot, la mélodie tombe lourde, comme si l’âme se laissait aller sous le poids de l’épreuve. Elle se relève sur me en une plainte admirable qui se déroule tout le long de libera me, mêlée à la prière. Le tout s’achève par le groupe peut-être le plus expressif : la distropha avec la répercussion sur le climacus et la retombée en la par le pressus.


OFFERTOIRE


C’est celui du Troisième Dimanche de Carême. Il vient bien là, après la réponse de Notre-Seigneur à la femme qui bénissait sa mère : « Plus heureux encore celui qui écoute la parole de Dieu ! »

Jérusalem n’a pas eu cette attitude accueillante, réceptive qui lui eût valu la paix. C’est pourquoi le Seigneur pleure en voyant dans l’avenir son terrible destin.

L’Église, elle, sait recevoir les mots divins et en vivre. Chacun des siens en a goûté les joies dans la Loi, dans l’Écriture et jusque dans les paroles intimes du Seigneur au fond de l’âme. C’est cette joie qu’elle chante.


COMMUNION


LE TEXTE

 

Qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi, et moi en lui. Jean. VI. 56.

Ces paroles de Notre-Seigneur se réalisent dans la communion. C’est donc le mystère d’amour qu’il a voulu, que le Christ chante ici par la voix de l’Église, au moment même où il s’accomplit.


LA MÉLODIE

La joie, d’abord toute simple dans la première incise, s’avive avec la mélodie, qui monte vers sanguinem meum et se revêt, sur in me manet d’onction et de tendresse. La joie du Christ, heureux d’avoir en lui ceux qu’il aime. Sur et ego in eo, elle devient profonde, le mystère l’enveloppe. C’est un de ces motifs, comme on en rencontre tant dans le répertoire grégorien, qui soudain nous transporte au-delà de ce qui se sent, au-delà de ce qui s’analyse, dans les régions qui passent le sentiment. Nous ne saurions dire ce qu’expriment exactement ces quelques notes si simples – une tierce mineure qui s’épanouit sur une tristropha, revient la tonique ré et remonte lentement – mais un souffle les soulève, un souffle d’amour ardent qui touche le fond de notre âme et nous révèle quelque chose du bonheur qu’a le Christ-Jésus à mêler sa vie à notre propre vie.

Dans le balancement souple de ses rythmes, dicit Dominus prolonge jusqu’à la fin cette atmosphère mystique.

 

 

Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici