Ascension du Seigneur

La répétition de l’introït Viri Galilei

Table des matières

Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.

INTROÏT

LE TEXTE

Hommes de Galilée, pourquoi demeurez-vous en admiration en regardant le ciel.
Allelúia.
De même que vous l’avez vu monter au ciel, ainsi il viendra.
Allelúia, Allelúia, Allelúia.

Ps. – Toutes les nations, battez des mains.
Acclamez Dieu dans un cri de joie. Act. I, 11. Ps. XLVI. 2.
Ce sont les paroles mêmes des deux hommes vêtus de blanc aux disciples qui  demeuraient les yeux fixés sur le point du ciel où Notre Seigneur venait de disparaître.
Dans le jeu liturgique, ce sont encore les deux messagers célestes qui chantent par la voix de l’église. Ils nous disent les mêmes paroles, à nous qui demeurons aussi fixés sur l’image du Christ montant dans la gloire : « qu’avez-vous à demeurer en admiration, à regarder, où il n’y a plus rien à voir ? Le premier acte du mystère est achevé, c’est vers le second, qui sera le triomphe éternel du Christ – et le vôtre -, qu’il faut désormais vous tourner ; car il viendra comme il est monté, sur les nuées du ciel ; c’est lui qui l’a dit. » (Math. XX V. 39.)
Ainsi, comme au cours de l’Avent, comme à Noël, comme à l’Epiphanie, comme à Pâques c’est vers le triomphe éternel du Christ que notre joie est dirigée.
Dans le Psaume, L’Eglise invite tous les peuples à louer le Seigneur pour sa gloire d’aujourd’hui et pour celle de demain.

LA MÉLODIE

L’interrogation des anges surgit brusquement, sans préparation, directe, vive, un peu en coup de théâtre, comme ce dut être. Elle est débordante de joie ; une joie légère qui plane sur la distropha des admirámini, avec peut-être une pointe d’esprit éveillée par l’attitude des disciples, et qui, après une courbe gracieuse sur aspiciéntes, reste suspendue en interrogation sur caélum.
La prédiction qui suit du prendre sur les lèvres des messagers divins un tout autre ton ? Il s’agissait de proclamer le retour du Christ et de le faire entrer dans l’esprit des disciples comme une certitude qui serait aussi leur consolation.
On imagine une affirmation ferme et insistante. C’est bien ainsi que l’auteur de l’Introït l’a conçue. Il a fixé la mélodie en une teneur sur do avec seulement quelques broderies qui y ramènent toutes les cadences. Il en résulte une expression d’autorité qui s’impose, avec, sur íta véniet, quelque chose de solennel qui évoque ce que sera cette venue en « puissance et en majesté ». En tout cela rien de dur, il va de soi. Saint Luc nous dit que les disciples s’en allèrent plein de joie ; c’est donc que les paroles des messagers étaient pénétrées de douceur et d’onction. La mélodie l’est aussi. Même íta véniet ; c’est à faux qu’on mettrait sur ces deux mots, je ne sais quelle nuance annonciatrice des terreurs du Jugement dernier ; les anges s’adressaient à ceux qui seront assis avec le Christ pour juger et à nous qui serons juges avec eux, c’est donc bien plutôt la joie de ce triomphe final qui est évoquée, comme une vision lointaine, sur la tristropha légère et douce.
Il n’y a d’ailleurs pas d’opposition entre les deux phrases : la joie de la première passe dans la seconde, se mêle à la prophétie, pour ajouter encore à la consolation divine qui s’en dégage, et éclate, vibrante d’ardeur, sur le premier Allelúia avant de se perdre, gracieuse et paisible, sur la cadence finale.
Le mouvement doit être assez vif et léger. Il faut donc veiller à ce que tout soit très souple : les clivis de Galílæi, le podatus de admirámini et la distropha qui sera soulevée. Reliez aspiciéntes à admirámini. Faites le torculus et le porrectus de caélum bien réguliers. Après l’Allelúia, bien posé sur la cadence, repartez a tempo sur quemádmodum, passez par-dessus le quart de barre qui précède ascendéntem, et veillez à ce que la tristropha de véniet soit soulevée, légère, et comme mystérieuse.
Reprenez le mouvement sur ces Allelúia qui seront pleins de vie et de joie.
Le Psaume, qui est un appel à la joie, devra être bien rythmé et entraînant.

ALLELÚIA I

LE TEXTE

Il s’élève, Dieu, au milieu des acclamations.
Et le Seigneur, au son de la trompette. Ps. XLVI, 6.

Le Psaume XLVI est un hymne de louange à Dieu en reconnaissance d’une victoire éclatante. Le Psalmiste le montre comme le vainqueur montant en triomphe vers son palais au milieu des ovations et des fanfares.
Il va de soi que, par delà la victoire sur les ennemis d’Israël, c’est le triomphe du Christ sur les ennemis de Dieu, et son retour triomphal vers son Père qui est chanté là, de sorte que ces deux versets s’appliquent d’eux-mêmes à l’Ascension. Toutefois, la célébration de cet événement glorieux n’épuise par leur sens car, sur le mont des Oliviers, lorsque Notre Seigneur s’éleva, il n’y eut ni les acclamations ni les  sonneries triomphales qu’ils annoncent. Il faut donc aller plus loin et, dans cette Ascension qui achève le premier avènement, chanter déjà l’Ascension qui finira le second ; quand le Christ, vainqueur du dernier combat, montera vers son Père au milieu des ovations de tous les élus et de la musique de la terre nouvelle et des cieux nouveaux.

LA MÉLODIE

C’est une mélodie type. Nous l’avons déjà rencontrée trois fois : le IIIe Dimanche de l’Avent ,  à la fête des Saints Innocents et le IIe Dimanche après l’Epiphanie  ; nous eussions pu l’entendre encore le Samedi de Pâques et nous l’entendrons à nouveau le Dimanche de la Pentecôte . Deux fois, le texte qu’elle revêt est une prière ; Excíta poténtiam túam et véni, le IIIe Dimanche de l’Avent, Emítte Spíritum túum, le Dimanche de la Pentecôte. L’application là en est excellente ; son caractère discret, contemplatif s’harmonisant parfaitement avec la supplication. Les autres textes, sont des invitations à louer Dieu, l’adaptation, moins bonne y est encore très heureuse car une invitation est bien une sorte de prière. Mais ici le texte est un récit qui comporte un certain enthousiasme, et on pourrait être déçu de ne pas trouver dans la mélodie l’ardeur grandiose qui convient, si l’on ne prenait soin de mettre cet Allelúia dans son contexte liturgique.
Il y a en effet bien des façons de se réjouir et de s’enthousiasmer : les réactions provoquées par les événements heureux ne s’expriment pas toutes, Dieu merci, par des acclamations et des cris. C’est affaire de circonstances. Or nous venons juste d’entendre le récit de l’Ascension; le Christ monte bien dans la gloire, mais nous, nous le perdons ; dès lors, une joie éclatante est-elle de mise ? On ne conçoit pas les disciples descendant les pentes du mont des Oliviers dans l’exaltation. Ils étaient dans la joie, Saint Luc le dit expressément, mais leur cœur en même temps ne demeurait-il pas serré d’avoir vu partir le Maître adoré ? Une telle joie, toute dans les profondeurs de l’âme, ne pouvait s’exprimer que d’une manière très discrète. Telle est aussi l’attitude de l’Eglise. C’est pourquoi cette mélodie, dans sa discrétion, est parfaitement adaptée. Elle est joyeuse mais d’une joie toute simple avec une touche délicate de recueillement, voire de contemplation.
La première incise de l’Allelúia Excita a été modifiée.
La très belle supplication de excita Dómine a disparu ; c’est bien ainsi car elle n’avait pas sa raison d’être dans un simple récit et elle eut nui à l’expansion de la joie.
Celle-ci, dans la première phrase, pénètre tout juste les mots ; elle ne s’épanouit que sur Jubilatióne en un motif d’ailleurs extrêmement gracieux. Mais dans la seconde, elle revêt sur Dóminus son caractère nettement contemplatif ; le récit est interrompu sur le nom divin évoquant le Seigneur qui vient de disparaître, l’Eglise se laisse aller à ses souvenirs. Sur les mêmes rythmes paisibles, elle appelait le Messie au temps de l’Avent dans la joie de son espérance…
Il est venu. Il est remonté, sa tâche de Rédempteur accomplie. Elle le contemple aujourd’hui dans la gloire et, consolée par l’íta véniet des anges, chante déjà son retour et son Ascension dernière vers le Père avec tous ses membres.
Il faut chanter cet Allelúia dans une grande simplicité mais avec beaucoup de vie et de joie.
Les accents de Déus et de Jubilatióne seront un peu allongés et la vocalise de Dóminus très liée, les épisèmes horizontaux légers et bien dans le mouvement. La troisième note de túbæ est un salicus. Veillez bien à faire la formule finale souple et balancée.

ALLELÚIA II

LE TEXTE

Le Seigneur, du Sinaï (vient) dans son sanctuaire
s’élevant sur la hauteur (de Sion).
Il a amené avec lui la captivité captive. LXVII. 18, 19.

Le psaume LXVII célèbre le Dieu d’Israël qui, après avoir délivré son peuple d’Egypte, l’a conduit du mont Sinaï dans la Terre Promise et après la lui avoir conquise, est monté sur la hauteur de Sion et est entré dans son Temple, traînant après lui les captifs faits dans les combats.
Tel est le sens de ces deux versets.
Eux aussi entrent, sans qu’il y ait  à les solliciter, dans la liturgie de l’Ascension. La sortie d’Egypte, la marche à travers le désert, la conquête de la Terre Promise, la montée de l’Arche vers Jérusalem figuraient en effet la délivrance des hommes du joug de Satan, la conquête par le Christ de la vie éternelle et la montée de tous les élus, à sa suite, vers le Père dans le Paradis retrouvé.
Cette montée a commencé le jour de l’Ascension. Le Christ, nous le savons, n’est pas monté seul : les âmes des justes qui étaient dans les limbes l’ont suivi, les autres ont pris leur rang à mesure que la mort les a délivrées et elles continuent de le prendre, de sorte que le cortège n’a jamais été interrompu, il dure toujours.
Voilà la « captivité captive » que le Christ emmène. Le mot demande explication. Captifs, nous l’étions tous, et du démon, et du péché, et de nous-mêmes. Notre Seigneur nous a délivrés, puis, par son amour, il nous a fait captifs de lui-même ; il nous a pris. Nous le sommes plus ou moins durant notre vie, mais ceux à qui la mort permet de le voir, le sont au point de ne plus pouvoir le quitter. Ce cortège des captifs de l’amour s’allongera jusqu’à ce que le dernier homme vienne s’y joindre. Alors, ce sera la fin : la résurrection et l’ascension dernière des corps et des âmes de la captivité captive, conduite par le Christ ver le Père pour l’éternelle béatitude.
On le voit, l’idée de cette montée suprême, contenue implicitement dans l’Introït , évoquée dans les acclamations et les trompettes du premier Allelúia, prend ici toute son ampleur.

LA MÉLODIE

Elle est, comme la précédente, une mélodie type. On la trouve à toutes les étapes du mystère du Christ : le Ier Dimanche de l’Avent , la nuit de Noël , le IIe Dimanche après l’Epiphanie , le samedi de Pâques .
Son caractère paisible, recueilli, contemplatif est parfaitement adapté à la joie délicate de l’Ascension et sert admirablement le texte.

Dóminus, qui commençait aussi l’Allelúia de Noël, a la même expression de bonheur intime, avec une discrète ardeur qui se développe au cours de l’incise et s’épanouit fort à propos sur in sáncto, qui indique ici le ciel. Très heureux aussi le torculus de ascéndens ; la joie s’avive sur ce mot du jour, tout en gardant sa douce réserve.
La seconde phrase est nettement contemplative. Sur les neumes, qui s’étalent sans se presser, l’Eglise chante le Christ et le cortège de la captivité captive qui depuis l’Ascension s’élève à sa suite, et demeure un instant, perdue à en contempler la splendeur.
Chantez dans un mouvement modéré, avec beaucoup de simplicité ici encore. Faites de la première incise un seul mouvement qui s’épanouira sur sáncto et se continuera dans l’incise suivante. Le torculus de ascéndens sera légèrement élargi.
La seconde phrase, très souple et très liée. A la fin de la première incise, la voix s’épanouira doucement sur la tristropha et se laissera aller sur les deux mouvements de l’incise suivante.
La reprise du chœur sur captivitátem aura un peu plus de mouvement.

OFFERTOIRE

LE TEXTE

Il monte, Dieu, au milieu des acclamations.
Et le Seigneur au son des trompettes. Ps. XLVI, 6.

C’est le texte même du premier Allelúia. Il paraphrase ici le miracle rapporté dans les derniers mots de l’Evangile, comme il le paraphrasait, il n’y a qu’un instant, après les derniers mots de l’Epître. L’interprétation en est donc rigoureusement la même.

LA MÉLODIE

Elle est pénétrée d’un bel enthousiasme ardent et joyeux que nous n’avons pas encore rencontré dans l’office.
La première incise décrit la montée de Notre Seigneur. Bien posé sur la première note du porrectus et quelque peu retenu par le ralenti du quilisma, le chant s’élève par degrés conjoints dans un rythme mesuré, souple et fort sur lequel la joie s’exalte progressivement. On notera particulièrement Déus avec l’accent tonique qui communique une nouvelle ardeur à l’arsis et la retombée gracieuse qui enveloppe le mot de vénération.
La joie se laisse aller quelque peu sur jubilatióne ; légère d’abord, elle vibre sur les notes longues de la fin du dernier motif, mais sans éclater, elle garde sa réserve.
La seconde phrase se développe dans la même atmosphère. A noter le motif de jubilatióne repris sur Dóminus et même sur in vóce ; il donne à toute la phrase un caractère de grâce aimable, de bonheur paisible, de joie intérieure, dans un recueillement qui se fait de plus en plus profond jusqu’à ce qu’il rejoigne un instant le silence à travers la cadence si simple de túbæ.
L’Allelúia s’élève alors comme une contemplation où l’on découvre sans peine une nuance de mélancolie… la nostalgie du Maître adoré qui est parti.
Il doit  y avoir dans la montée de ascéndit Déus un crescendo-accelerando qui se détendra gracieusement sur les notes qui précèdent le quilisma de Déus ; ce léger ralenti du la et du sol ne doit pas toutefois affecter la cadence, il faut que le mouvement passe de Déus à in jubilatióne.
Posez bien la première note de ti dans jubilatióne et commencez-y l’arsis qui s’épanouira sur le sommet.
Repartez a tempo sur Dóminus. Les deux torculus de túbæ, à peine ralentis.
Il faut se complaire dans l’Allelúia sans retenir le mouvement, il va de soi. La double note sur fa qui suit la clivis allongée est une bivirga et la triple note avant le torculus de la fin, une trivirga ; les appuyer quelque peu et les prolonger.

COMMUNION

LE TEXTE

Chantez un Psaume au Seigneur
Qui s’élève par dessus les cieux
Du côté de l’Orient.
Allelúia. Ps. LXVII. 33, 34.

Ces versets, qui sont dans les derniers du Psaume, sont un appel du peuple Juif aux nations étrangères pour les inviter à célébrer son Roi qui revient vainqueur dans son palais.
Ils entrent d’eux-mêmes dans la liturgie de l’Ascension. L’Eglise invite ses membres, et ceux-là surtout qui communient sacramentellement ou spirituellement au sacrifice, à louer le Seigneur…qui se perd peu à peu au-dessus des cieux du côté de l’Orient.

LA MÉLODIE

L’intonation reproduit celle de la communion du Dimanche précédent mais une quinte au-dessous, ce qui lui donne une nuance de discrétion, de recueillement très marquée. La mélodie ensuite devient descriptive et revêt sur súper une magnifique ardeur d’admiration joyeuse. Elle redescend par degrés sur le motif répété de caélos cælórum, vers ad Oriéntem où elle devient toute contemplative ; il semble que l’âme soit comme fixée dans le soleil. C’est le motif qui chantait le Verbe Incarné, dans le Sein de Notre-Dame le jour de l’Annonciation (Communion du IVe Dimanche de l’Avent et de la fête de l’Annonciation ).
L’âme se perdait alors dans l’admiration du Dieu qui venait avec nous ? Elle s’y perd encore aujourd’hui, car c’est bien moins l’image du Christ qui monte au-dessus des Cieux qu’elle chante sur ce dernier mot, que la vision, obscure mais réelle et qui se fait tous les jours plus claire, du Christ élevant le monde avec lui vers le Père par la grâce de l’Eucharistie.
Que l’intonation soit très recueillie.
Posez bien la première note du podatus de Dómino. Le crescendo sera progressif sur qui ascéndit súper, et le mouvement entretenu jusqu’à la fin de l’incise. Chantez avec beaucoup de grâce le motif de ad Oriéntem et prolongez-en l’expression jusqu’à la fin de l’Allelúia.

 

Cantiques pour Pâques

Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici