Dix-huitième dimanche après la Pentecôte (XVIII)

L’introït Da pacem Domine par la Schola Bellarmina

Table des matières

Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.

LEÇONS DES MATINES : en Septembre : Tobie, Judith, Esther. En Octobre : les Machabées.

ÉPÎTRE : Nous sommes riches de toute la richesse du Christ. Elle s’épanouira en nous  lors de son avènement, si nous sommes irréprochables. (I Cor. I. 4-8)

ÉVANGILE : Notre-Seigneur remet les péchés du paralytique de Capharnaüm et le guérit ensuite pour prouver qu’il en a le pouvoir. (Math. IX. 1-8)

IDÉE CENTRALE : Ce dimanche suit les Quatre-temps de Septembre. Comme ceux qui viennent après les Quatre-temps de l’Avent, du Carême et de la Pentecôte, il n’avait pas primitivement de messe propre, l’office de la veille se terminant le matin par la messe qui est actuellement celle du samedi.
Lorsque la vigile fut avancée dans la journée du samedi – et bien avant hors de Rome et dans les monastères, où l’office était célébré selon un rite différent du rite papal –  il fallut une messe pour le dimanche.
En raison de la proximité de la fête de saint Michel, on emprunta celle qui avait été composée pour la dédicace de l’église du saint archange à Rome.
De cette messe, les chants nous restent. Il n’est pas sûr que les textes lus soient actuellement ce qu’ils étaient alors, mais, intention ou coïncidence, les uns et les autres s’harmonisent assez bien autour de l’idée du sacerdoce et s’appliquent parfaitement aux jeunes prêtres ordonnés la veille; ne sont-ils pas devenus riches de la science du Christ, comme le dit l’Epître, et de sa puissance sur le péché manifestée d’une façon si éclatante dans le miracle de l’Evangile. D’autre part, la paix et le pouvoir d’intercession demandés pour les prophètes dans l‘Introït peuvent, à juste titre, être sollicités pour ceux qui sont chargés de pacifier les âmes et de prier pour le peuple. Enfin le Graduel, l’Offertoire et la Communion qui célèbrent la parole de Dieu et le sacrifice célèbrent bien les deux actes principaux du sacerdoce : la messe et la prédication.

INTROÏT

LE TEXTE

Donne la paix, Seigneur, à ceux qui t’attendent afin que tes prophètes (qui l’ont promise) fidèles soient trouvés Exauce les prières de ton serviteur et de ton peuple Israël.

Ps. Je me suis réjoui de ce qui m’a été dit. Dans la maison du Seigneur, nous irons.

Eccles. XXXVI. 18. Ps. CXXI. 1.

Le texte de l’Ecclésiaste a été légèrement modifié. Au lieu de : donne une récompense, l’auteur de l’Introït a mis : donne la paix.

La paix, ce sentiment de tranquillité heureuse qui est au fond de l’âme quand on a conscience que la volonté repose dans la volonté du Seigneur, L’Église en est bien la demeure sainte. Il n’est pas de souhaits plus fréquemment redits sur ses murs lorsqu’ils sont consacrés : “Qu’une paix éternelle soit accordée à cette demeure par Dieu le Père“. “Que le Verbe, Fils du Père, source éternelle de paix, l’apporte à cet édifice“. “Que l’Esprit consolateur donne la paix à ce temple.” N’est-elle pas la maison où la paix nous est rendue par le Baptême et la Pénitence, donnée plus abondamment par les sacrements, souhaitée tout au long de notre vie jusqu’à notre mort ?

Pax tecum, Vade in pace, Requiescat in pace…

Afin que tes prêtres, qui la promettent aussi, soient reconnus fidèles, donne-la nous, Seigneur, et en cela exauce les prières de ton peuple afin que, dans la joie de ce qui nous sera dit en ta maison de la terre, nous allions vers l’autre, celle de l’éternel repos dans ta paix Bienheureuse.

LA MÉLODIE

La première phrase est la même dans l’Introït Statuit du commun d’un Confesseur Pontife. Laquelle des deux est l’originale ? Il serait vain sans doute de le chercher. L’idée de l’une et de l’autre, d’ailleurs, est une idée de paix et de paix sacerdotale. C’est bien la prière paisible aimable, délicate, tendre des Introïts Inclina et Justus es. Elle  s’élève en un bel accent de ferveur sur Domine et descend sans heurt, sans pression, toute confiante et abandonnée sur sustinentibus te.

Elle s’élève à nouveau avec un peu plus d’insistance sur prophetae – notez la double note, qui est une bivirga – et la ferveur croît jusqu’au sommet. Mais c’est sur la thésis que l’expression est la plus marquée. Il y a sur la double note du haut un accent qui fait la prière très pressante. Ils se renouvellent sur le pressus et, en fait, garde la supplication ardente jusqu’à la fin.

La troisième phrase est plus nuancée. L’insistance est plus familière, plus intime, plus tendre; sur tui notamment, et sur plebis tuae. Sur Israël, c’est une délectation.

Alors, comme si elle était sûre d’être exaucée ou comme si elle l’était déjà, l’âme chante, dans le rythme léger du psaume, la joie d’avoir entendu les mots qui la guident vers la Maison du Seigneur, où elle Le trouvera, dans la paix éternelle, fidèle à jamais.

GRADUEL

C’est celui du IVe Dimanche de Carême. Il entre fort bien dans l’ordonnance de la messe, les Églises de la terre étant le symbole du ciel ; Domus Dei elles aussi. Tout ce qui a été dit de la Jérusalem céleste, le Dimanche Laetare, vaut donc, l’adaptation à l’Epître exceptée. Mais, ici, elle est encore plus parfaite puisque la lecture s’achève sur l’évocation du jour où le Christ Jésus viendra nous prendre pour nous introduire corps et âme dans la maison du Seigneur.

ALLELUIA

LE TEXTE

Elle craindront, les nations, ton nom, Seigneur, et tous les rois de la terre ta gloire.

Ps. CI. 16.

Le psaume CI est la plainte du peuple juif en captivité. Il s’achève dans un acte de conflit en ce dieu un qui reconstruira Jérusalem et lui rendra sa gloire :

Tu te lèveras, Seigneur, et tu auras pitié de Sion. Alors elles craindront, les nations, ton nom, Seigneur.

Mais par-delà la cité matérielle relevée de ses ruines, l’autre aussi est évoquée, la Jérusalem Céleste où le Verbe s’est fait chair, Nom substantiel de Dieu : figura substantiae ejus, qui dominera tous les rois et sera vue en majesté dans son infinie splendeur.

Cette prophétie du Psaume qui a commencé à se réaliser le jour de l’Épiphanie avec les premiers rois prospères au pied de l’enfant Dieu, l’église la redit, ici, dans la joie de la voir s’accomplir de plus en plus au cours du temps ; puis, se tournant vers l’avenir et gardant son sens prophétique, elle la chante comme la vision future de l’éternité, quand le Christ, après avoir achevé la Jérusalem nouvelle, règnera dans la splendeur d’une gloire incontestée et reconnue de tous les peuples soumis dans l’amour.

Il n’y a rien à ajouter à ce commentaire du même texte que nous écrivions pour le Graduel du IIIe Dimanche après l’Épiphanie, sinon que ce chant de joie est fort bien adapté à une consécration d’église, car les rois, comme les autres hommes, viennent à l’église révérer le Seigneur, et qu’après le graduel, il paraphrase très heureusement l’Epître qui s’achève sur l’évocation de l’avènement glorieux de Notre-Seigneur Jésus-Christ

LA MÉLODIE

Il y a une joie discrète répandue partout sur timebunt : la joie de l’église qui voit déjà le triomphe du Christ et la splendeur de cette révérence pleine d’amour des rois et des peuples. Sur nomen tuum il n’y a plus que de l’adoration ; la mélodie se perd dans la contemplation, s’en allant, de plus en plus effacée, vers le silence.

Elle rebondit sur omnes reges, et une nuance d’autorité forte se mêle à la joie qui s’avive et monte. Gloriam se développe en majesté, en une majesté grave, qui s’attarde, solennelle, somptueuse comme les plis d’un manteau royal. Alors, sur tuam, la joie, redevenue simple, se donne libre cours en des neumes souples et légers.

OFFERTOIRE

LE TEXTE

Il consacra, Moïse, un autel au Seigneur, offrant sur cet autel des holocaustes et immolant des victimes. Il fit un sacrifice du soir, en odeur de suavité, au Seigneur Dieu, devant les enfants d’israël.

Exode. XXIV. 4,5.

Il s’agit dans ce texte, qui résume les premiers versets du chapitre XXIVe de l’Exode, du sacrifice que fit Moïse au pied du Sinaï avant de monter recevoir les tables de la loi et dans lequel fut établie l’alliance du peuple avec Dieu. ” Moïse rapporta au peuple toutes les paroles du Seigneur. Le peuple répondit d’une seule voix : tout ce qu’a dit le seigneur nous le ferons. Moïse écrivit toutes les paroles du Seigneur, et, se levant de grand matin, il érigea un autel au pied de la montagne et douze monuments selon les douze tribus d’Israël. Et il envoya les jeunes hommes d’entre les enfants d’Israël, et ils offrirent des holocauste et ils immolèrent des génisses en hosties pacifiques au Seigneur. Et Moïse prit la moitié du sang et le mit dans les coupes, et répandit l’autre sur l’autel. Et prenant le livre de l’alliance, il lut devant tout le peuple, qui dit : nous ferons tout ce que le Seigneur a dit et nous lui obéirons. Moïse prit donc le sang et le répandit sur le peuple, et dit : voici le sang de l’alliance que le Seigneur a faite avec vous en toutes ces paroles.”

En ce sacrifice qui scella l’Ancienne Alliance, tous les détails de celui en qui devait être scellé la Nouvelle étaient figurés : l’autel du Cénacle et du Calvaire, le Sang du Christ, et le monde nouveau sur lequel il se répand par l’Eucharistie avec sa vertu sanctificatrice. Aussi, ce texte, chanté à la consécration des Autels, est-il tout à fait à sa place au moment de l’offrande, le jour où l’on célèbre le Temple, l’autel et le Sacerdoce.

LA MÉLODIE

C’est un chant noble, solennel, avec des élans enthousiastes de joie sainte.

L’intonation, plutôt recueillie et grave, va vers Moyses et altare qu’un élan large et sonore porte à la dominante enveloppée de majesté. Ainsi, dès le début, sont en plein relief, le Pontife et la Pierre du sacrifice sur laquelle va être scellé l’alliance.

La deuxième phrase garde la même ampleur, mais dans un déroulement plus paisible autour de la tonique. Illud est très en relief, comme l’est altare dans la première phrase, mais dans le grave, ce qui l’enveloppe d’une atmosphère mystérieuse, sacrée, qui persiste jusqu’à la fin de la phrase à travers les neumes souples et doux de holocausta.

Immolans victimas est le centre et le sommet de toute la pièce. La mélodie, fixée, dès le début de la phrase, sur la dominante par le motif qui a mis Moyses en noble évidence, se balance d’abord solennelle sur le podatus et le climacus, et après s’être posée sur la double note – en bivirga épisématique – comme pour y reprendre vigueur, lance victimas aussi haut que possible, jusqu’au mi, dans un rythme magnifique, vibrant de joie ample et claire, et s’achève, toujours sur la dominante, en une cadence sonore. On sent passer, dans ce mouvement splendide, le saint enthousiasme du peuple de Dieu, et sur ces mots aussi riches de sens où tout le présent demeure, il est d’une émouvante grandeur.

Commence alors la détente. Elle se fait lentement. La mélodie demeure quelque temps encore sur la dominante en de longues tenues qui font planer les mots sacrés comme au-dessus des êtres, entre ciel et terre, entre les hommes et Dieu. Une cadence en la sur vespertinum fait la mélodie toucher un instant le IIe mode, mais elle remonte tout de suite à sa teneur hiératique et supra terrestre. Suavitatis l’en fait enfin descendre en un motif délicieux, pour y mettre l’onction que le mot suggère et elle se pose à nouveau en la, enveloppant Domino Deo de vénération.

Une remontée passagère au début de la dernière phrase, et elle se détend tout à l’aise, dans le grave cette fois, baignant le nom du peuple élu d’une tendresse qui s’épanouit à loisir sur la splendide cadence finale.

L’évocation de cet acte si grave et si saint sur cette mélodie grandiose qui se plaît en des teneurs élevées aux tonalités imprécises, donne à cette Offertoire quelque chose de grand, de sacré, qui en fait un chef d’oeuvre d’une incomparable beauté. En le chantant, nous nous sentons comme au dessus de ce qui se passe, dans la région où l’homme et Dieu s’unissent, et ce n’est plus le sacrifice de Moïse que nous évoquons, mais l’éternel sacrifice qui se renouvelle sur l’autel dans le geste du prêtre tendant vers Dieu l’hostie qui sera bientôt changée en la victime unique et totale que nous demandons nous aussi au Père d’accepter comme la nôtre, in odorem Suavitatis.

COMMUNION

LE TEXTE

Apportez lui des hosties et entrez dans ses parvis. Adorez le Seigneur dans son Temple sacré.

Ps. XCV. 8,9.

C’est une invitation au sacrifice en trois mots qui en indiquent les stades progressifs : offrez, entrez, adorez. Elle vient fort à propos le jour où l’église est consacrée, car l’église doit être avant tout la maison du sacrifice et le parvis du ciel où le Seigneur veut qu’on l’adore dans sa présence eucharistique.

Elle est bien faite aussi pour le moment de la communion. C’est alors que se complète le sacrifice. C’est l’heure pour nous de nous offrir à l’action transformatrice du Christ, d’entrer plus avant dans le temple de notre âme ou s’opère cette transformation, et de nous perdre en une soumission toute d’amour qui est précisément l’adoration en esprit et en vérité.

LA MÉLODIE

L’invitation est pleine d’entrain et de joie sur tollite hostias, mais elle se pénètre tout de suite de recueillement sur introite; notez la cadence en si. Sur ejus, la tendresse est tellement  mêlée à la joie et au recueillement qu’on ne sent guère qu’elle. Sur adorate, il n’y a plus qu’adoration. Splendide mouvement qui courbe l’âme et le corps dans le geste lent et plein d’amour qui les met l’un et l’autre aux pieds du Christ et les fait se perdre en lui. Il y a une petite reprise de vie sur in aula sancta ejus, comme l’épanouissement de la joie au fond de l’âme abandonnée.

Épître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici